Cet article a été publié dans le Global Trade Magazine le 24 septembre 2017
Par Philip Sutter, directeur de l’analyse stratégique, Gestion du commerce mondial, Livingston International.
Les négociations en cours du Brexit sont une grande source d’incertitude, et par ricochet, de risque commercial pour les entreprises internationales dont les chaînes d’approvisionnement dépendent lourdement de l’accès illimité au Royaume-Uni. Cette incertitude se prolongera probablement tout au long des négociations du Brexit, et possiblement lors de la période de transition qui suivra.
Mais s’il subsiste un semblant de stabilité dans le Brexit jusqu’à ce jour, cela a été évident dans les remarques prononcées le 22 septembre par la première ministre britannique, Theresa May, lors d’un discours important en Italie. Mme May a offert quelques explications liées à ses attentes sur la façon dont le Brexit pourrait se dérouler, peut-être dans l’espoir de susciter un élan pour les négociations en cours du Brexit ou de rassurer la communauté économique.
Mme May a insisté sur l’importance d’une période de mise en œuvre progressive, au lieu de ce qui était appelé le « bord du précipice ». Afin que les citoyens et les entreprises puissent jouir d’une « certitude d’envergure », la période de transition doit être strictement limitée dans le temps et être assurée de se passer du 29 mars 2019 au 29 mars 2021.
Mme May a aussi soulevé un point de friction notable, soit que le Royaume-Uni allait couvrir sa portion des coûts du Brexit, estimée à un montant de 20 à 100 milliards d’euros. Les intervenants et les observateurs scruteront ce point de friction notable conjointement avec l’EU lors de la prochaine semaine.
De telles remarques nourrissent l’espoir au sein du secteur des affaires que le maintien de la stabilité demeure l’un des objectifs centraux des négociations du Brexit, tout comme une certaine assurance que le niveau de risque associé aux activités commerciales de l’autre bord de la Manche n’est pas aussi élevé que prévu.
En même temps, quelques remarques de Mme May éveillent des inquiétudes. Tout en reconnaissant que le passé, le présent et l’avenir du Royaume-Uni sont intimement liés à l’Europe, elle a résumé de manière concise l’essence profonde du Brexit en déclarant : « nous ne nous sommes jamais sentis chez nous dans l’UE ». Il est clair que ces sentiments ne sont pas partagés par les nombreuses entreprises possédant des chaînes d’approvisionnement partout au Royaume-Uni et dans le reste de l’UE, car elles devront entièrement modifier leurs plans d’affaires.
Les analystes réfléchissent à l’avenir de la relation entre le Royaume-Uni et l’UE, depuis le référendum sur le Brexit en juin 2016. Ce que Mme May a mis au clair aujourd’hui, c’est que les relations à venir entre l’Angleterre et ses voisins européens ne ressembleront en rien aux relations entre l’UE et la Norvège, la Suisse, la Turquie et, plus récemment, le Canada. « Nous pouvons faire tellement mieux que cela », a affirmé de manière explicite Mme May.
La première ministre ne veut pas suivre de modèle préexistant. Elle désire un nouveau traité UE-RU qui tire parti des principes partagés, des normes réglementaires élevées et des relations sécuritaires déjà en place, tout en assurant l’autodétermination du RU sur des points tels que l’immigration, les compétences judiciaires et la politique commerciale.
Même si elle insiste sur le fait que les quatre libertés fondamentales, soit la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, demeureront indivisibles, elle affirme qu’un tout nouveau cadre est requis. Le RU devra prendre une position sans précédent, soit de convertir les lois de l’UE en lois nationales et aller de l’avant à partir de ce point. « Notre vie sera différente », a-t-elle affirmé.
Lorsqu’on lui a parlé, à la suite de son discours, de la possibilité d’un échec des négociations du Brexit, elle a répété une de ses déclarations : « aucun accord avec l’UE est mieux qu’un mauvais accord ». En d’autres termes, Mme May est prête à imposer à l’UE de se présenter aux négociations dotée d’une volonté de souplesse. Au mois d’octobre, la commission déterminera si le progrès effectué est suffisant et si les négociations pourront se poursuivre afin de mettre en place le futur cadre de la relation.
Mme May a conclu en affirmant : « notre avenir est à notre portée, alors saisissons-le ensemble ».
La certitude est essentielle du point de vue d’un négociant international. Le Brexit est nuisible aux activités commerciales, car il représente le changement et le bouleversement. Cependant, si les commentaires de Mme May conduisent à une transition en douceur, clairement présentée et planifiée, le secteur commercial pourra s’adapter et prospérer sous le nouvel accord.