Partie 1 : Passivité des entreprises canadiennes et américaines à l’égard des accords de libre-échange
Candace Sider, vice-présidente, affaires réglementaires Canada.
Cet article du Global Trade a été publié en anglais.
Pendant que les gouvernements du Canada et des États-Unis sont en voie de ratifier des accords tels que le Partenariat transpacifique (PTP) et l’Accord économique et commercial global (AECG) – dont les négociations ont nécessité des années et beaucoup d’efforts diplomatiques – de nouvelles études montrent que beaucoup d’entreprises mettent leur utilité en doute.
Les études menées par la Société internationale Livingston révèlent l’indifférence manifeste des entreprises nord-américaines à l’égard des accords de libre-échange. En effet, environ quatre entreprises sur 10 considèrent que les accords de libre-échange n’exerceront aucune influence positive ou négative sur leur chiffre d’affaires net, et 11 pour cent de plus sont d’avis que les coûts dépassent les avantages.
Cette impression est plus prononcée aux États-Unis qu’au Canada, et prévaut surtout parmi les petites entreprises des deux côtés de la frontière.
Encore plus étonnant est le fait que les entreprises engagées dans le commerce international ne choisissent pas nécessairement leur marchés cibles en fonction de la souplesse de la réglementation commerciale, mais plutôt selon les avantages qu’ils présentent pour leurs affaires. Autrement dit, ces entreprises n’utilisent pas les accords de libre-échange de manière stratégique, mais plutôt de manière passive.
En fait, les entreprises sont tellement passives en ce qui concerne les avantages potentiels des accords de libre-échange, qu’un importateur nord-américain sur cinq ne vérifie même pas s’il a bénéficié d’une réduction ou d’une exonération de droits sur les marchandises applicables.
Cela montre bien que de nombreuses entreprises ne se rendent pas compte du potentiel d’économies de coûts et de la possibilité de maximiser les avantages des accords de libre-échange. Cela s’explique en partie par la manière dont les accords de libre-échange sont utilisés par les entreprises du continent, et par la valeur qu’elles en tirent.
Au lieu d’intégrer les accords de libre-échange dans une chaîne d’approvisionnement complète qui permet d’importer des marchandises plus économiquement grâce à une réduction des droits, puis de les exporter vers les marchés mondiaux, la plupart des entreprises ne voient pas plus loin que le premier de ces deux avantages.
Quand on leur demande quels sont les avantages qu’elles tirent des accords de libre-échange, les entreprises mentionnent toutes que le plus grand avantage est l’importation d’un stock de marchandises à un coût inférieur. L’accès à de nouveaux marchés étrangers vient loin derrière, et encore plus loin au Canada qu’aux États-Unis.
Malgré une réputation économique négative parmi les protectionnistes, un haut niveau d’importations ne devrait pas être une source d’inquiétude. En fait, un bon volume d’importations a tendance à diminuer le prix des marchandises dans le pays importateur et contribue souvent à la croissance économique et à l’emploi dans les secteurs qui combinent stratégiquement les importations et les possibilités d’exportation.
Malheureusement, ces possibilités d’exportation ne sont pas exploitées ni recherchées autant que les possibilités d’importation ; par conséquent, de nombreuses entreprises n’utilisent pas le commerce international et les accords de libre-échange de manière à maximiser leur potentiel de développement commercial. Divers facteurs sont à l’origine de cette lacune mais, pour la plupart des entreprises, il s’agit de la complexité des opérations d’exportation, et notamment d’un manque de compréhension de la réglementation associée à l’exportation vers les marchés étrangers et de l’importance d’avoir des partenaires locaux qui facilitent le transport et la vente des marchandises exportées.
Il y a de quoi se sentir dépassé. En effet, la réglementation du commerce international est souvent incroyablement complexe, surtout quand elle est associée à des accords de libre-échange qui exigent le respect de règles d’origine et une conformité réglementaire très complexes.
Cependant, les avantages que présente la résolution de ces difficultés peuvent changer la nature entière et la trajectoire de croissance des entreprises et même des secteurs. Les pratiques stratégiques d’importation et d’exportation ne sont pas simplement une question de rentabilité pour les entreprises canadiennes et américaines, ou de diversification de leurs marchés en vue de mieux gérer la confiance changeante des consommateurs, les taux de change, les circonstances économiques et les sentiments protectionnistes. Il s’agit également d’établir des partenariats stratégiques qui permettent à ces entreprises de faire partie intégrante des chaînes d’approvisionnement internationales des grandes sociétés multinationales, en renforçant et en stabilisant leurs affaires, et en leur permettant de bénéficier des avantages du commerce mondial tout en réduisant certains problèmes administratifs.
En résumé, il faut considérer les accords de libre-échange et le commerce international dans un contexte mondial plus large, au lieu du simple contexte des transactions commerciales individuelles. De nombreuses entreprises des marchés émergents le font depuis un certain temps ; ces pratiques ont contribué à l’expansion de la classe moyenne et ont augmenté la compétitivité industrielle dans ces pays.
Pour que les entreprises canadiennes et américaines restent concurrentielles à long terme, elles doivent commencer à comprendre les avantages des accords de libre-échange et à les utiliser stratégiquement pour mettre en place des pratiques d’envergure internationale. En négligeant de le faire, ces entreprises laissent entendre aux gouvernements que les accords de libre-échange ont peu d’utilité; elles éliminent ainsi les incitations à négocier de nouveaux et meilleurs accords, ce qui mettrait toutes ces entreprises dans une position plus difficile et moins concurrentielle.
Candace Sider est vice-présidente des affaires réglementaires de la Société internationale Livingston, une entreprise de services de commerce international basée à Toronto. Elle siège au Comité consultatif sur les activités commerciales à la frontière (CCACF); elle est ancienne présidente et membre actuelle du conseil d’administration de la Société canadienne des courtiers en douane (SCCD) et directrice générale et trésorière du conseil d’administration de l’International Federation of Customs Brokers Associations.
Note de la rédaction : Les trois autres articles de cette série de quatre seront publiés les 5, 12 et 29 décembre.