Cet article a été publié dans le Global Trade Magazinele 8 novembre 2018
Par Cora Di Pietro, vice-présidente, conseil en commerce international
Il y a eu beaucoup de bruit à Ottawa ces derniers temps au sujet de la promotion des idéaux du libre-échange et de la poursuite d’un programme mondialiste en économie.
La récente poignée de main sur un nouvel accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) a été, à juste titre, le principal point de mire des observateurs économiques et politiques. Mais, mis à part cette détente historique dans les relations États-Unis-Canada, il y a eu beaucoup de travail à Ottawa pour établir les conditions qui permettront et renforceront non seulement le mondialisme, mais aussi une véritable diversification commerciale.
La plupart des entreprises canadiennes – en particulier celles dont le commerce à travers le 49eparallèle fait partie intégrante de leur revenu – ont été alarmées par la rapidité avec laquelle les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis ont régressé au cours des 18 derniers mois, et par la proximité des négociations avec l’AEUMC qui ont mené au retrait du Canada sans accord de libre-échange avec les États-Unis.
Pourtant, c’est en fanfare que le Parlement du Canada a récemment donné une ascension royale (la dernière étape du processus de ratification) à l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Pour les non-initiés, le PTPGP est un accord multilatéral de libre-échange impliquant 11 pays du littoral Pacifique. À l’origine, l’accord (alors surnommé le Partenariat transpacifique) était un pacte de 12 nations qui incluant les États-Unis. Toutefois, le président américain Donald Trump s’est retiré de l’accord par décret le troisième jour de son entrée en fonction.
Craignant la prolifération du protectionnisme et cherchant à solidifier la force du nombre en Asie contre l’hégémonie croissante de la Chine, les autres membres du Partenariat transpacifique ont relancé les négociations commerciales de manière plutôt expéditive en 2017. Un an plus tard, non seulement ces pourparlers ont pris fin, mais les six pays signataires requis ont officiellement ratifié l’accord, permettant son entrée en vigueur le 30 décembre 2018.
Pour le Canada, la participation au PTPGP représente un autre pari sur le commerce multilatéral et la poursuite d’un programme de libre-échange qui vise non seulement à offrir aux entreprises canadiennes de plus grandes options d’importation et d’exportation, mais aussi à réduire la dépendance du Canada envers le commerce avec les États-Unis. Ce programme a été raisonnablement poursuivi avec une vigueur accrue, compte tenu de l’importance excessive accordée par Washington aux règlements commerciaux Buy American, au commerce bilatéral et à l’élimination des déficits commerciaux.
Certes, le programme commercial mondialiste du Canada est antérieur à l’ère de Donald Trump et à la montée du protectionnisme commercial. C’est ce qui ressort clairement de la signature, en 2016, de l’Accord économique et commercial global (AECG) avec l’Union européenne, un accord qui a mis sept ans à être négocié dans un climat de cynisme et d’opposition des deux côtés de l’Atlantique.
Certains ont fait valoir que les données commerciales entre le Canada et l’UE en vertu de l’AECG sont révélatrices de la vulnérabilité des entreprises canadiennes à la concurrence dans un environnement multilatéral. Ces détracteurs notent que depuis l’application provisoire de l’AECG en septembre 2017, les exportations vers l’UE n’ont augmenté que de 3,3 % contre 12,9 % pour les importations en provenance de l’UE.
Mais à y regarder de plus près, on constate qu’un cinquième de ces nouvelles importationssont constituées de machines, ce qui indique les bourgeons de la diversification économique, plutôt qu’un signe de non-compétitivité mondiale. Les machines sont le plus souvent importées pour améliorer l’efficacité de la production et rendre les entreprises plus innovantes et compétitives sur le plan international. Le fait que cela se produise dans un contexte de taux de change moins que favorable pour les entreprises canadiennes est d’autant plus encourageant.
Loin d’entraîner des pertes d’emplois, les importations stimulent la croissance de l’emploi. Dans l’année qui a suivi la mise en œuvre de l’AECG, le taux de chômage au Canada est passé de 6,2 % à 5,9 %. En outre, l’emploi dans certains des secteurs les plus touchés par les importations les plus importantes en provenance de l’UE, tels que l’exploitation minière et les soins de santé, a augmenté respectivement de 4,13 % et 0,75 %. Certes, l’emploi dans le secteur manufacturier a chuté de 1,37 % au cours de cette période. Toutefois, ce chiffre est probablement composé de pertes d’emplois attribuables à l’automatisation autant que de pertes d’emplois attribuables aux pertes d’entreprises.
Il est également rassurant de constater que la croissance des échanges commerciaux avec l’UE ne s’est pas limitée au Royaume-Uni, traditionnellement le plus important partenaire commercial du Canada en Europe. Selon un rapport de CBCen septembre, les exportations du Canada vers les pays européens autres que le Royaume-Uni ont augmenté de 6,9 %. C’est un autre signe que les entreprises canadiennes cherchent des occasions d’approvisionnement et de vente à l’extérieur de leur zone de confort traditionnelle.
Pour l’instant, personne ne sait exactement dans quelle mesure le PTPGP sera utilisé par les entreprises canadiennes. Comme les pays de l’AECG, le groupe PTPGP est composé d’économies diverses. Et, à l’instar de l’UE, le commerce avec le groupe PTPGP devra s’appuyer sur le fret maritime, la communication et l’emballage multilingues, ainsi que sur des considérations multiculturelles pour la manière dont les produits sont commercialisés.
La voie de la moindre résistance pour les entreprises canadiennes serait de pousser un grand soupir de soulagement à l’idée que le bloc nord-américain a été sauvé par l’AEUMC et de revenir à des relations commerciales éprouvées et véritables avec les partenaires actuels de la chaîne d’approvisionnement. Personne ne leur en voudrait de le faire. Et pour de nombreuses entreprises – en particulier les plus petites – le maintien du commerce en Amérique du Nord pourrait être la seule approche réaliste.
Pour bien d’autres, le PTPGP et l’AECG représentent une occasion historique pour les entreprises de diversifier leurs marchés d’approvisionnement et de vente, mais aussi de planter des semences qui feront croître leurs ventes, encourageront l’innovation et la productivité, élargiront leur portefeuille de produits et serviront d’assurance contre les différends commerciaux actuels et futurs. Pour ces seules raisons, les entreprises devraient s’efforcer de tirer parti des perspectives de libre-échange nouvellement acquises par le Canada.