Les relations économiques étroites facilitent les négociations commerciales
La victoire d’Emmanuel Macron, candidat centriste qui a défait Marine Le Pen, son adversaire populiste d’extrême droite à l’issue des élections récentes en France, est considérée par les experts comme une victoire du camp modéré de la politique française.
Selon l’opinion générale, Macron était effectivement le candidat le plus modéré parmi les 11 premiers dont les noms figuraient sur les bulletins de vote au premier tour des élections françaises, à la fin avril. Il était également le seul candidat partisan d’un multilatéralisme politique et économique, supposément délaissé par les populations de moins en moins concernées en Europe, et particulièrement en France.
Admettons cependant que les politiques économiques du nouveau président puissent soulever le doute dans l’esprit des puristes du libre marché. Macron considère comme imparfaite la stratégie européenne en matière de mondialisation et préfère adopter une position plus forte dans l’application de politiques antidumping contre les pays asiatiques qui pratiquent une concurrence déloyale en Europe. Il favorise également une politique d’achat européenne limitant l’approvisionnement de l’Union aux entreprises qui maintiennent au moins la moitié de leur production à l’intérieur de l’Europe.
Il s’est quand même opposé ouvertement au protectionnisme général préconisé par sa principale adversaire Marine Le Pen, dont la plate-forme prévoyait une taxe de trois pour cent sur toutes les importations et accordait la préférence aux entreprises françaises pour les projets d’approvisionnement publics. Par contre, Macron est partisan de l’AECG, l’accord de libre-échange contesté entre Bruxelles et Ottawa ; il a exprimé à l’égard du commerce international un esprit d’ouverture qui ne se limite peut-être pas à de belles phrases. Selon le Japan Times, le premier sommet bilatéral entre Macron et le Premier ministre japonais Shinzo Abe, le 27 mai, était fortement axé sur la lutte contre le protectionnisme et le potentiel de libre-échange entre l’Europe et le Japon.
La prévalence de la modération à l’issue des élections françaises constitue non seulement un grand avantage pour la France, mais aussi pour les États-Unis et plusieurs autres pays du G7. La France est un pays dont l’impact économique de ce côté-ci de l’Atlantique passe souvent inaperçu par les observateurs économiques, bien qu’il soit considérable. L’année dernière, la France était le huitième plus important partenaire commercial des États-Unis, à la hauteur de 77 milliards de dollars en échanges commerciaux, selon l’US Census Bureau, ce qui représente une augmentation de 44 pour cent depuis l’an 2000.
L’industrie française fait preuve d’une remarquable politique d’investissement de capitaux étrangers, très désirables pour l’économie des États-Unis. L’investissement étranger direct de la France aux États-Unis s’élevait à 234 milliards de dollars en 2015 (sur une base de coûts historiques), ce qui fait des États-Unis l’une des principales destinations de ces investissements français.
Ces investissements directs engendrent environ 500 000 emplois bien rémunérés aux États-Unis. En fait, selon l’US. Bureau of Economic Analysis, les investissements des entreprises françaises ont créé le deuxième plus grand nombre d’emplois connexes aux États-Unis en 2015 (après le Canada). Pareillement, les États-Unis investissent beaucoup en France ; l’Amérique représente le quatrième plus grand flux d’investissements étrangers directs en France.
Étant donné ce genre de réciprocité économique, il est certainement utile de préserver avec la France (et avec beaucoup d’autres pays européens) des relations amicales et des échanges commerciaux relativement libres d’obstacles. Les liens économiques étroits entre les États-Unis et les pays européens ont servi de base aux négociations courantes du TTIP (partenariat transatlantique de commerce et d’investissement). Cet accord de libre-échange entre les deux entités reste en suspens depuis l’année dernière, depuis que certains mouvements protectionnistes et populistes en Europe ont commencé à émettre des doutes sur la poursuite des négociations.
Cependant, la situation semble évoluer en faveur du commerce international et du multilatéralisme. Lors de la visite à Londres, à la fin avril, de Paul Ryan, président républicain de la Chambre des représentants, on a beaucoup discuté du potentiel d’un accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni, et des possibilités semblables avec l’Europe, en insistant quand même sur des accords commerciaux équitables et intelligents. Wilbur Ross, secrétaire du Commerce des États-Unis, a exprimé des opinions semblables, en déclarant cependant que la priorité immédiate restait la renégociation de l’ALENA.
Voilà donc des commentaires encourageants de la part d’un gouvernement américain qui avait exprimé précédemment une forte intention de négocier des accords bilatéraux avec certains États européens ; les relations transatlantiques devraient en bénéficier.
Ensemble, la victoire des forces centristes en France, juste après un vote antipopuliste semblable aux Pays-Bas le mois dernier, et le désir renouvelé de Washington d’amorcer des négociations commerciales avec l’Europe, constituent un important changement des intentions de politique commerciale par comparaison à la situation d’il y a quelques mois. Même en Amérique du Nord, on ne parle plus de sortir de l’ALENA, mais plutôt de le remplacer par une renégociation en vue d’un accord tripartite.
La prévalence d’attitudes plus raisonnables parmi les principaux intéressés du monde industrialisé est une indication de l’importance historique des échanges commerciaux et de leur impact positif sur l’industrialisation, l’emploi et l’innovation ; ces avantages sont reconnus par les responsables politiques, même dans les circonscriptions particulièrement populistes.
Cependant, s’ils espèrent rallier les cœurs et les esprits, les responsables politiques devront rédiger des accords commerciaux qui tiennent compte des préoccupations soulevées par les mouvements populistes, pour que ceux-ci puissent bénéficier du commerce international et des investissements étrangers au lieu de se sentir lésés par eux.
Ce n’est pas simple ni impossible, mais cela nécessite une stratégie de négociation commerciale différente des précédentes. Toute carence dans ce domaine risque de déclencher simplement un cercle vicieux de progrès commerciaux suivis de populismes et de politiques anti-commerciales préjudiciables pour la croissance économique, les investissements et les emplois rémunérateurs.
David Rish est président, gestion du commerce mondial de la Société internationale Livingston, une firme de services de commerce international.