Cet article a d’abord paru dans le Journal of Commerce, le 21 septembre 2018.
Par Candace Sider, vice-présidente, Affaires réglementaires et gouvernementales, Amérique du Nord, Livingston International
« C’est toujours une question de fromage, n’est-ce pas? »
C’est ce que l’ancien ministre canadien Tony Clement a souligné en juin 2017, quand l’accord de libre-échange conclu avec l’Europe a soudainement fait face à une opposition inattendue des représentants gouvernementaux européens, un peu avant sa prise d’effet.
Ces représentants gouvernementaux trouvaient que l’approche que le Canada adoptait face à l’attribution des 18 000 tonnes de fromages européens que l’Accord économique et commercial global (AECG) entraînerait ne respectait pas l’esprit de l’accord.
Il s’agissait du deuxième épisode de conflit entre les parties; lors du premier, des chefs d’une province belge pour qui le secteur des produits laitiers constitue un secteur essentiel en étaient à l’origine. Un rapport de la CBC a d’ailleurs récemment relevé que le Canada a permis des importations de 5 333 tonnes de fromages européens lors de la première année, mais qu’en date de la première semaine de septembre 2018, seuls 1 820 652 kilogrammes de fromage (un peu plus du tiers du volume permis) avaient fait leur entrée au Canada.
Il n’est pas surprenant que l’accès au marché canadien des produits laitiers ait aussi été un point conflictuel des négociations du défunt Partenariat transpacifique et de son successeur, l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), qui entrera bientôt en vigueur et qui unit le Canada et 10 pays de la côte du Pacifique.
Les propos de M. Clement conservent leur pertinence en contexte des négociations qui sont en cours entre le Canada et les États-Unis pour réformer l’ALENA.
En fait, le conflit du marché des produits laitiers est devenu, sans grande surprise, l’un des points chauds des négociations entre Ottawa et Washington.
Depuis les années 1960, un système complexe de gestion de la demande est en vigueur dans le marché des produits laitiers du Canada. Ce système dicte de stricts quotas de production indexés à la demande qui impose de sévères restrictions aux importations de produits laitiers. Les produits qui ne sont pas touchés par les quotas d’importation font l’objet de tarifs douaniers dont le taux atteint, dans certains cas, près de 300 %.
Comme mentionné ci-dessus, ces restrictions ont été légèrement assouplies dans le cadre des accords commerciaux conclus récemment, comme l’AECG et le PTPGP; Washington souhaite que ces règles s’assouplissent encore plus pour permettre aux producteurs américains de devenir concurrentiels dans le marché canadien.