Comprendre la décision de Washington concernant l’exclusion de l’Inde du GSP

Cet article a été publié dans le Global Trade Magazinele 28 mars 2019.

Par Jayachand Pachakkil, conseiller principal, conseil en commerce mondial, Livingston International. 

Le 4 mars 2019, le bureau du représentant commercial des États-Unis a annoncé dans une lettre adressée au Congrès américain que les États-Unis ont l’intention de mettre fin au statut de pays en développement bénéficiaire désigné accordé à l’Inde dans le cadre du Generalized System of Preferences (Système généralisé de préférences, GSP).

Cette décision aura des conséquences directes sur les frais au débarquement des entreprises américaines qui importent des produits finis ou intermédiaires depuis l’Inde et compliquera l’administration douanière.

Le GSP, qu’est-ce que c’est?

Pour les non-initiés, le GSP est un programme de préférence commerciale, mis en place dans la loi sur le commerce Trade Act of 1974 des États-Unis, qui offre des avantages à un grand nombre des pays les plus pauvres afin qu’ils puissent développer leurs économies par le biais d’activités commerciales. Plusieurs produits importés depuis ces pays se voient octroyer un traitement de faveur, notamment la réduction ou l’exonération des tarifs douaniers. Au moment d’établir l’admissibilité d’un pays au statut de bénéficiaire du GSP, les États-Unis prennent en considération un critère discrétionnaire, à savoir si le pays évalué pourra ou non fournir un accès équitable et raisonnable à ses marchés et à ses commodités essentielles.

La décision récente des États-Unis d’exclure l’Inde du GSP signifie que les produits d’origine indienne jusqu’ici admissibles au traitement de faveur seront désormais soumis à des droits d’importation, les rendant plus chers pour les importateurs américains.

Quelles sont les raisons de ce changement?

Les produits et services des États-Unis échangés avec l’Inde ont atteint un montant total estimé à 126,2 milliards de dollars en 2017. Les exportations et les importations totalisaient respectivement 49,4 milliards et 76,7 milliards de dollars. Le déficit commercial total avec l’Inde était de 27,3 milliards de dollars en 2017. L’administration actuelle des États-Unis concentre l’essentiel de ses efforts à réduire les déficits commerciaux, et a estimé que l’Inde n’a pas apporté la certitude qu’elle fournirait aux États-Unis un accès équitable et raisonnable à son marché.

Les nouvelles suggèrent que cette décision a été motivée par des pétitions provenant de la fédération nationale des producteurs de lait (National Milk Producers Federation), le conseil américain des exportations de produits laitiers (U.S. Dairy Export Council) et l’association des technologies médicales (Advanced Medical Technology Association). L’Inde requiert une certification sur l’origine des produits laitiers. Ils ne doivent pas provenir d’animaux ayant consommé des organes internes, des farines de sang ou des tissus provenant de ruminants. Les États-Unis ne fournissent pas une telle certification, bien que d’autres pays exportateurs comme les pays de l’Union européenne ou la Nouvelle Zélande le fassent. L’Inde a également récemment imposé un plafond sur le prix des appareils médicaux, comme les endoprothèses, affectant directement les exportateurs américains de ces produits en Inde.

Quelles sont les conséquences à envisager?

Les spécialistes pensent que l’exclusion de l’Inde du GSP aura des conséquences infimes sur le succès de l’industrie indienne. En effet, cette décision devrait affecter seulement environ 5,6 milliards de dollars de la valeur totale des exportations pour des bénéfices d’environ 190 millions de dollars, un montant qui pourrait être absorbé par les exportateurs sous forme d’un coût supplémentaire, ou par le gouvernement indien par le biais de subventions ou de mesures similaires. D’autres, cependant, notent que si les bénéfices douaniers actuels du programme GSPsont faibles comparativement à l’activité commerciale globale du pays, ils pourraient affecter de manière disproportionnée les petites et les moyennes entreprises indiennes qui exportent des produits intermédiaires, comme les produits à faible valeur sur la chaîne de production et qui ne sont donc pas fabriqués de manière compétitive aux États-Unis. Les élections nationales à venir en Inde auront également un rôle à jouer quant à l’approche choisie par le gouvernement pour aborder le problème.

 

Comment va se dérouler la suite?

Une période de 60 jours d’attente doit obligatoirement s’écouler après que l’annonce a été faite aux pays bénéficiaires et au Congrès; période pendant laquelle les pays peuvent, en théorie, négocier les changements. Après cette période de 60 jours, un pays bénéficiaire peut être exclu du GSP par déclaration présidentielle. Des sources du ministère des Affaires étrangères en Inde (MAE) ont indiqué que l’Inde « continuera les discussions » avec le gouvernement des États-Unis pendant la période de 60 jours dans l’espoir de trouver un accord commun.

Il est à noter que les deux pays sont déjà en discussion pour résoudre d’autres questions concernant les tarifs de commerce international, principalement celles qui découlent de la décision de l’administration des États-Unis d’exempter l’Inde de ses nouveaux tarifs pour l’acier et l’aluminium. L’Inde avait déjà riposté par le passé en augmentant ses taxes d’importation pour les importations des États-Unis pour un montant de 10,6 millions de dollars. Par exemple, un tarif douanier de 100 % sera appliqué sur les importations d’amandes et de noix de Grenoble depuis les États-Unis (contre 30 % auparavant), et un tarif douanier de 50 % sera appliqué sur les pommes (contre 40 % auparavant). Toutefois, l’Inde a retardé l’application de tarifs douaniers plus élevés. Cette décision est interprétée par quelques observateurs comme un signe de la volonté de l’Inde de négocier et de trouver une solution bénéfique pour tous. De l’autre côté, l’intention de l’administration des États-Unis de diminuer le déficit commercial du pays pourrait faire échouer ces négociations.

Les importateurs américains qui apportent des produits depuis l’Indedevraient communiquer avec leurs partenaires en services commerciaux pour déterminer les conséquences de ces frais au débarquement et explorer des marchés d’approvisionnement de rechange qui pourraient offrir des tarifs douaniers plus cléments, des temps de transit plus courts et des exigences douanières moins onéreuses.