Ratifier l’AÉUMC est désormais la seule option qui s’impose

Cet article a été publié d’abord dans le Global Trade Magazine le 29 mars 2019

par Candace Sider, vice-présidente des affaires gouvernementales et réglementaires

Le destin du libre-échange en Amérique du Nord est en jeu.

Ce sentiment était déjà bien tangible il y a 18 mois, lors du début des négociations de l’ALÉNA. C’était également le cas il y a six mois lorsque les deux parties n’ont pu respecter la première échéance prévue. On aurait pu tirer la même conclusion en octobre dernier, lorsque les États-Unis semblaient prêts à signer une entente bilatérale avec le Mexique, en excluant le Canada. Et c’est toujours vrai aujourd’hui, alors que l’accord se perd dans les frasques de la politique à Washington.

Le dévoilement prochain du rapport de la U.S. International Trade Commission (ITC), qui procure aux membres du Congrès une analyse approfondie des répercussions économiques éventuelles de l’accord États-Unis-Mexique-Canada (AÉUMC) proposé, pourrait bien avoir une influence minime sur les opposants de l’accord au Congrès.

Selon un rapport récent dans Politico, l’analyse de l’ITC présumera probablement que l’USMCA aura un effet négligeable sur le PIB américain, ce qui ne constituera pas une réponse convaincante aux plaintes formulées par les démocrates au Congrès, à savoir que l’accord ne prévoit pas de mécanisme d’application assez solides quant aux dispositions sur la main-d’œuvre. Comme si cela n’était pas assez menaçant, Ottawa évoque maintenant la possibilité de ne pas ratifier l’AÉUMC à moins que Washington ne retire les droits de douane sur les importations d’aluminium et d’acier mentionnés à la Section 232.

Et pourtant, nonobstant la guerre en cours au Capitole et les données éventuellement peu inspirantes du rapport de l’ITC, la réalité est que la ratification de l’AÉUMC est actuellement la meilleure option possible. Les autres solutions envisageables ne feraient que déstabiliser davantage la confiance envers le commerce en Amérique du Nord, et envers son avenir.

Renégociation

Les Démocrates demandent des mécanismes d’application plus solides quant aux dispositions sur la main-d’œuvre de l’AÉUMC. Ces demandes correspondent à la plainte de longue date du parti stipulant que l’ALÉNA offrait à l’économie aux salaires bas et à la réglementation légère du Mexique un avantage marqué pour attirer les fabricants. Bien que les nouvelles dispositions sur la main-d’œuvre de l’AÉUMC abordent la question, les Démocrates affirment que l’accord n’est pas assez vigoureux pour s’assurer que le Mexique respecte sa part de l’entente.

Toutefois, préparer un nouveau mécanisme d’application signifie un retour à la table de négociation, ce qui n’intéresse aucune partie, d’autant plus que le présent accord est le résultat de plus d’une année de négociation intense. Il est très probable que le Canada et le Mexique exigent des concessions importantes en échange d’un mécanisme d’application plus solide, ce qui peut entraîner le retrait d’autres avantages prévus dans l’accord.

Le cas Trump

D’une certaine façon, que l’accord soit négocié ou non importe peu. Le président américain Donald Trump a déjà dit que si les Démocrates tentent d’invalider l’AÉUMC, que ce soit avant ou après la renégociation sur les mécanismes d’application, Washington allait simplement retirer les États-Unis de l’ALÉNA, liguant l’administration contre le Congrès dans une bataille juridique sur la prise de décision sur les échanges commerciaux, ce qui deviendra certainement une source de division pendant la campagne présidentielle de 2020. Le président a récemment réitéré sa menace de se retirer de l’ALÉNA pendant un entretien sur le réseau Fox Business.

Le résultat serait un retour à un environnement commercial incertain, qui entraînerait certainement une baisse des investissements transfrontaliers puis des répercussions sur les économies des trois pays de l’AÉUMC en plus de contrecarrer les efforts de Washington pour négocier des accords commerciaux avec le Japon, l’Union européenne et le Royaume-Uni, tous des partenaires économiques majeurs.

Oubliez tout ça

Si la menace d’un retrait de l’ALÉNA n’est qu’une fanfaronnade de la part du Président et si la ratification de l’AÉUMC aboutit dans une impasse au Congrès, l’autre solution est simplement d’ignorer l’accord renégocié et de retourner à l’accord de l’ALÉNA original. Bien que cette possibilité soit viable et peu perturbatrice, la vérité est que l’AÉUMC a fait des gains significatifs en modernisant le libre-échange en Amérique du Nord, abordant des questions critiques comme l’harmonisation de la réglementation, l’économie numérique et la protection de la propriété intellectuelle, et bien d’autres aspects qui ne sont pas mentionnés dans l’ALÉNA. Seul le temps nous dira si ces mises à jour entraîneront des gains tangibles pour le PIB ou l’emploi. Mais à tout le moins, elles motiveront les parties impliquées dans le commerce transfrontalier à poursuivre et même à accroître leurs activités. Comme le commerce en Amérique du Nord représente plus d’un trilliard de dollars annuellement, il est essentiel de conserver au minimum les gains obtenus au cours des 25 dernières années. C’est exactement ce que fait l’AÉUMC, et plus encore.

Des négociateurs chevronnés et des spécialistes du commerce ont discuté intensément pendant une année pour arriver à l’accord présentement sur la table, incluant les chapitres qui servent à amener le libre-échange au 21esiècle d’une façon juste et équitable. Il serait irresponsable de renoncer à ces ajouts rémunérateurs pour des raisons de partisannerie, et les électeurs se tourneraient probablement contre leurs représentants s’ils agissaient de la sorte.

Le meilleur plan d’action

La chose la plus responsable et avantageuse à faire pour le Congrès est de ratifier l’AÉUMC. Voilà l’opinion d’environ 400 entreprises et associations d’entreprises qui font maintenant partie de la coalition de l’ACEUM, un regroupement d’entreprises qui pensent de façon similaire, qui croient en l’importance du libre-échange pour l’économie et l’emploi aux États-Unis et dont Livingston International fait partie.

En raison des gains impressionnants effectués par l’AÉUMC pour développer un environnement de libre-échange juste à la grandeur du continent et des risques associés au retour à la table de négociation ou au retrait de la ratification de l’accord dans le cadre de la bataille électorale de 2020, il est essentiel que les législateurs du Capitole fassent de la ratification du nouvel accord une priorité au cours des prochains mois.

Autrement, les avantages du libre-échange seraient en péril, ainsi que tous les emplois qui en dépendent, sans oublier que cela renforcerait la perception que les législateurs favorisent la partisannerie à la représentation juste et efficace.